Gauthier Fourcade - Un plus génial !
Une histoire vraie !
"J'ai vécu un truc de fou dimanche soir au Théâtre Pierre Tabard à Montpellier, où j'étais censé jouer Si j'étais un arbre !
Théâtre poétique (solos).
"J'ai vécu un truc de fou dimanche soir au Théâtre Pierre Tabard à Montpellier, où j'étais censé jouer Si j'étais un arbre !
Théâtre poétique (solos).
"Le comédien désigne la Lune avec son doigt sur un chant folklorique ukrainien. Il a des petites ailes dans le dos. Puis il enlève ses ailes, se vêt d'une blouse blanche et s'adresse au public."
Les représentations de jeudi, vendredi et samedi se sont très bien passées, mais le dimanche, trois quart d'heures avant le début du spectacle, la régisseuse nous prévient qu'elle est aux urgences suite à une chute en vélo. Elle ne pourra pas assurer le spectacle.
Consternation ! Le directeur me demande ce qu'on fait. "Ben on annule, tiens. Je vais pas faire un numéro de claquettes – Mais tu peux pas le faire en plein feu ? Et tu me dis où faire des noirs - Non, impossible, il y a des effets de son et de lumière indispensables."
Les spectateurs commencent à arriver, pleins de bonne humeur à l'idée de passer un bon moment. C'est triste d'annuler. Alors me vient une idée un peu folle. Je dis au directeur "Attends! Et si je faisais un autre spectacle à la place ? Le cœur sur la main est très bien aussi et n'a pas besoin d'autant d'effets. - Tu pourrais vraiment faire ça ? - Je ne l'ai pas joué depuis un an et demi, mais laisse-moi cinq minutes de réflexion et je te dis si c'est jouable sans régisseur".
Au bout de quelques minutes, je dis ok. On réunit un vieux piano désaccordé, une table de bistrot, on bricole un tableau de conférencier avec des affiches scotchées sur un chevalet. Ce côté "bout de ficelle" va bien avec ce que j'ai l'intention de faire.
Je dis au directeur : "il faut prévenir les spectateurs de ce qu'ils vont voir et leur laisser le choix de repartir – Non, non ! C'est pas la peine, ils ne verront pas la différence, ils n'ont vu ni l'un ni l'autre – Ah ! ok. Alors c'est moi qui le leur dirai. Mais rassure-toi ils ne me croiront pas".
Il reste quelques minutes. J'en profite pour réviser au moins le morceau de piano. Bonne idée : je n'arrête pas de me tromper et je n'ai pas de partition. Pas de panique ! A force de tâtonner, je parviens à retrouver les notes. Je le répète deux ou trois fois. Mais pour tout le reste du spectacle, advienne ce que pourra !
Le spectacle commence, le directeur allume le plein feu. J'entre en scène les mains dans les poches et j'explique aux gens qu'ils ne vont pas me croire mais que le spectacle qu'ils vont voir n'est pas Si j'étais un arbre, mais Le cœur sur la main, parce que la régisseuse n'est pas là. (rires) Je leur explique qu'il n'y aura pas de noirs, entre les sketchs, mais que je dirai "Noir !", comme ça ils sauront qu'ils doivent applaudir. Je leur demande aussi d'être indulgents, car n'ayant pas joué le spectacle depuis un an et demi je risque d'avoir des trous de mémoire et que donc je garde le texte à portée de main. Je leur dis que je sais bien qu'ils ne me croient pas, mais que je leur dirai à la fin du spectacle si c'était vrai ou non.
Je les entends qui rigolent, ils pensent que c'est une blague et que ça fait partie du spectacle. Déjà l'ambiance est bonne et je tiens le public ! Mais ça, je savais que je savais le faire. Maintenant, y'a juste une heure de spectacle à assurer ! Petite sensation de vertige, mais il faut balayer les émotions négatives. Les tuer dans l’œuf.
Sur ce, j'attaque le premier sketch. Agréable surprise : le texte coule, comme si je l'avais joué la veille. Tout le spectacle se déroule avec une facilité que je n'aurais pas cru possible. Pas un seul trou de mémoire, pas une hésitation. Je suis totalement détendu, je m'amuse comme un petit fou ! Juste une petite fausse note dans le morceau de piano.
Entre les sketchs j'expliquais aux gens les changements d'éclairage qu'il aurait dû y avoir et ça les faisait rigoler encore plus. Tout en jouant, j'ai même pensé que le spectacle était encore plus drôle sous cette forme, et que ça pourrait être un concept : un spectacle sans aucun effet, où le comédien raconte ce qui aurait dû arriver. En tous cas, hier soir, ça a vraiment fonctionné.
Le spectacle se termine. Grand succès, longs applaudissements. Je les interromps et leur demande : "Et maintenant, je voudrais savoir : ce que j'ai dit au début du spectacle, vous pensez que c'était vrai ou pas ?". J'entends quelques "oui" timides, mais une grande majorité de "non". Je dis "Et pourtant si !" Je prends le livre que j'avais gardé à porté de main (et dont je n'ai pas eu besoin) et je leur montre la couverture où figurent les titres de plusieurs de mes spectacles : "Vous voyez, Si j'étais un arbre, c'est ce que vous étiez venu voir; mais Le cœur sur la main c'est ce que vous avez vu." Stupeur ! Et applaudissements redoublés.
Je sors ensuite pour les dédicaces, Le directeur ne tarit pas d'éloges, répétant que vraiment j'avais eu une idée de génie ! Les spectateurs me félicitent, puis leur vient cette question : "Mais alors du coup, quand est-ce qu'on pourra voir Si j'étais un arbre ?"
Que j'aime ce métier !"
Texte publié ce 11/10/2016
Consternation ! Le directeur me demande ce qu'on fait. "Ben on annule, tiens. Je vais pas faire un numéro de claquettes – Mais tu peux pas le faire en plein feu ? Et tu me dis où faire des noirs - Non, impossible, il y a des effets de son et de lumière indispensables."
Les spectateurs commencent à arriver, pleins de bonne humeur à l'idée de passer un bon moment. C'est triste d'annuler. Alors me vient une idée un peu folle. Je dis au directeur "Attends! Et si je faisais un autre spectacle à la place ? Le cœur sur la main est très bien aussi et n'a pas besoin d'autant d'effets. - Tu pourrais vraiment faire ça ? - Je ne l'ai pas joué depuis un an et demi, mais laisse-moi cinq minutes de réflexion et je te dis si c'est jouable sans régisseur".
Au bout de quelques minutes, je dis ok. On réunit un vieux piano désaccordé, une table de bistrot, on bricole un tableau de conférencier avec des affiches scotchées sur un chevalet. Ce côté "bout de ficelle" va bien avec ce que j'ai l'intention de faire.
Je dis au directeur : "il faut prévenir les spectateurs de ce qu'ils vont voir et leur laisser le choix de repartir – Non, non ! C'est pas la peine, ils ne verront pas la différence, ils n'ont vu ni l'un ni l'autre – Ah ! ok. Alors c'est moi qui le leur dirai. Mais rassure-toi ils ne me croiront pas".
Il reste quelques minutes. J'en profite pour réviser au moins le morceau de piano. Bonne idée : je n'arrête pas de me tromper et je n'ai pas de partition. Pas de panique ! A force de tâtonner, je parviens à retrouver les notes. Je le répète deux ou trois fois. Mais pour tout le reste du spectacle, advienne ce que pourra !
Le spectacle commence, le directeur allume le plein feu. J'entre en scène les mains dans les poches et j'explique aux gens qu'ils ne vont pas me croire mais que le spectacle qu'ils vont voir n'est pas Si j'étais un arbre, mais Le cœur sur la main, parce que la régisseuse n'est pas là. (rires) Je leur explique qu'il n'y aura pas de noirs, entre les sketchs, mais que je dirai "Noir !", comme ça ils sauront qu'ils doivent applaudir. Je leur demande aussi d'être indulgents, car n'ayant pas joué le spectacle depuis un an et demi je risque d'avoir des trous de mémoire et que donc je garde le texte à portée de main. Je leur dis que je sais bien qu'ils ne me croient pas, mais que je leur dirai à la fin du spectacle si c'était vrai ou non.
Je les entends qui rigolent, ils pensent que c'est une blague et que ça fait partie du spectacle. Déjà l'ambiance est bonne et je tiens le public ! Mais ça, je savais que je savais le faire. Maintenant, y'a juste une heure de spectacle à assurer ! Petite sensation de vertige, mais il faut balayer les émotions négatives. Les tuer dans l’œuf.
Sur ce, j'attaque le premier sketch. Agréable surprise : le texte coule, comme si je l'avais joué la veille. Tout le spectacle se déroule avec une facilité que je n'aurais pas cru possible. Pas un seul trou de mémoire, pas une hésitation. Je suis totalement détendu, je m'amuse comme un petit fou ! Juste une petite fausse note dans le morceau de piano.
Entre les sketchs j'expliquais aux gens les changements d'éclairage qu'il aurait dû y avoir et ça les faisait rigoler encore plus. Tout en jouant, j'ai même pensé que le spectacle était encore plus drôle sous cette forme, et que ça pourrait être un concept : un spectacle sans aucun effet, où le comédien raconte ce qui aurait dû arriver. En tous cas, hier soir, ça a vraiment fonctionné.
Le spectacle se termine. Grand succès, longs applaudissements. Je les interromps et leur demande : "Et maintenant, je voudrais savoir : ce que j'ai dit au début du spectacle, vous pensez que c'était vrai ou pas ?". J'entends quelques "oui" timides, mais une grande majorité de "non". Je dis "Et pourtant si !" Je prends le livre que j'avais gardé à porté de main (et dont je n'ai pas eu besoin) et je leur montre la couverture où figurent les titres de plusieurs de mes spectacles : "Vous voyez, Si j'étais un arbre, c'est ce que vous étiez venu voir; mais Le cœur sur la main c'est ce que vous avez vu." Stupeur ! Et applaudissements redoublés.
Je sors ensuite pour les dédicaces, Le directeur ne tarit pas d'éloges, répétant que vraiment j'avais eu une idée de génie ! Les spectateurs me félicitent, puis leur vient cette question : "Mais alors du coup, quand est-ce qu'on pourra voir Si j'étais un arbre ?"
Que j'aime ce métier !"
Texte publié ce 11/10/2016
Autres ouvrages
La trilogie : Le coeur sur la main / Si j'étais un arbre / Le secret du temps plié (Le Jardin d'Essai 2010)
Un certain Oedipe (ETGSO Volume 7, 2009) et autres...
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ou à paraître, protégés par l'antériorité de l'ISBN ou du dépôt légal des textes au copyright.
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